29 décembre 2019
Carnet des petits jours
Dans le bilan d’une vie, si l’on inscrit dans l’actif ce à quoi on a pu échapper, on se sent presque riche.
L’originalité en littérature n’est que la liberté qu’on se donne.
Mieux vaut une excellence spécialisée qu’une médiocrité généraliste.
Si je devais mourir maintenant, ma grande crainte serait de partir dans la colère qui ne cesse de rôder en moi depuis si longtemps.
Ai-je écrit de la poésie ? Au lecteur d’en décider car cela ne m’intéresse guère de le savoir.
À moins d’avoir affaire à un génie universel, un visionnaire (Camões, Pessoa, Lampedusa...) il faut remettre un écrivain dans le contexte de son époque pour savoir si l’on aura la patience de lire un de ses livres jusqu’au bout.
Dans une vie humaine, il n’y a pas de vieilles histoires.
Je suis sorti de l’enfance comme le loup du bois.
La mort, cela relève de la vie privée.
Sexe : pourquoi tant de mystère à propos de quelque chose que nous avons tous et dont nous nous servons tous de la même façon ?
Les empires occidentaux sont si puissants et sophistiqués que même leurs ruines sont fécondes. On les croit morts mais ils se sont simplement virtualisés. Il leur faut juste renouer avec leur âme.
Pour un rationnel, ne pas reconnaître la part d’irrationalité de l’humain n’est pas rationnel.
Il est reposant de garder à l’esprit qu’un grand vin n’est que du vin, qu’un grand cigare n’est que du tabac, qu’une grande œuvre n’est qu’un chuchotement dans la nuit.
En soixante ans de vie commune, j’ai eu le temps de faire un peu connaissance avec le type très moyen que je suis. Nous ne sommes pas encore aussi intimes que nous le croyons parfois mais nous avons désormais une vague idée de ce qui est possible ou impossible.
Et pour finir en musique : Nunc Dimittis de Sir Michael Tippett (1905 - 1998)
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17 novembre 2019
Écrit sous la petite lampe bleue
Les pessimistes ont souvent tort. Ce qui arrive est bien pire que ce qu’ils avaient prévu.
Je suis réactionnaire pour le seul plaisir de ne pas être progressiste à votre façon.
Être conservateur prouve au moins qu'il y a quelque chose à conserver.
L’autre jour, le ciel était comme une vinaigrette en train de prendre.
Ce qui compte dans le roman, c’est le rythme. Le romancier n’a pas besoin de grande intelligence mais de rythme.
Lorsque quelque chose paraît absurde, illogique, incompréhensible, il faut toujours chercher du côté de l’argent, de la raison financière.
Pour quelqu’un qui mange trop comme moi, l’exercice physique n’est pas profitable car juste après l’effort, j’ai encore plus d’appétit.
L’école a gâché mon enfance, le travail a gâché ma jeunesse. On ne peut pourtant guère éviter l’une et l’autre. Quel dommage d’avoir dû attendre si tard pour en être débarrassé et vivre désormais ma meilleure période.
Si vous rencontrez quelqu’un qui vous dit l’argent, ce n’est pas ce qui compte, ce n’est pas important, vous verrez qu’il est d’autant plus sincère qu’il en a beaucoup et qu’il sait donc de quoi il parle.
Il n’y a rien de péjoratif dans la notion d’étranger. Il peut me plaire d’être étranger dans les pays que j’aime et dans ceux que je n’aime pas. Il m’arrive même parfois d’aimer me sentir étranger en mon propre pays.
De tous les poètes que je lis et que j’admire, c’est Fernando Pessoa avec qui j’aurais aimé prendre un verre de vin à un comptoir de Lisbonne.
Dans la vie, nous devons nous fixer des objectifs à notre portée. C’est pourquoi j’ai tendance à ne m’en fixer aucun.
La vie n’ayant aucun sens, peu importe d’échouer ou de réussir.
Pourquoi l’individu devrait-il s’engager dans une collectivité qui n’aspire qu’à le faire dégager ?
Faire le point est d’autant plus bénéfique que cela n’engage pas à aller à la ligne.
Quand je vois une étoile filante, je pense à Laïka, la petite chienne de l’espace, et je n’ai même plus envie de faire un vœu.
Parfois, je me sens aussi peu réel que les personnages du roman auquel je travaille.
La condition humaine se résume souvent à des problèmes d'épicerie et de tuyauterie. On en fait des épopées pour moins que ça.
Je suis sur l’autre versant sans être passé par le sommet.
En littérature, on n’atteint pas à une forme de vérité par la vraisemblance.
Cherchez et vous trouverez au fond de vos ténèbres.
Les mots « bonheur » et « liberté » ne peuvent se comprendre qu’au pluriel. Au singulier, ils ne désignent rien de connu.
Je vois s’éloigner des rêves comme des nuages d’été, lourds, massifs, constitués de rien.
Dessine-moi un mouton : ça m'énerve à un point, Le Petit Prince..
Il vient un âge où l’on s’inquiète d’acheter une nouvelle veste car ce sera peut-être celle avec laquelle on sera porté en terre.
L’échec est un rideau de théâtre. La pièce est finie mais derrière le rideau, il se passe encore quelque chose.
La liberté dans le langage courant, c’est comme l’oiseau dans les poèmes de Jacques Prévert, mièvre et vague.
La beauté n’a rien d’autre à nous dire que « je suis belle » .
Ce n’est pas par orgueil et vanité que je dédaigne la politique, l’économie, le sport et tout ce qui est censé intéresser mon prochain. C’est parce que tout cela est sans joie et sans bonté. Surtout sans joie.
Un écrivain est un auteur qui est capable de retenir notre attention, même avec une histoire sans intérêt.
La vie n’a que le sens que nous lui donnons. Autant dire qu’elle n’en a pas.
La vie fonce tout droit devant sans autre objectif que de se développer tant que la possibilité lui en est donnée. Une anomalie.
Un poème est toujours nostalgique. On essaye de retrouver quelque chose qui n’existe plus ou qui aurait dû exister. Un poème est une tentative de retrouvailles.
Pourquoi je ne suis guère intéressé par la science fiction ? Parce que nous sommes arrivés à une époque où les pires scénarios de la science fiction se sont déjà réalisés.
Mon garagiste : "Les autos, c'est comme les gens, il y en a qui durent longtemps, d'autres non."
Moi : "Les gens, c'est comme les autos, ils vont vite et dans le mur."
Mon institutrice de l'école primaire : " Quel est ton souvenir d'école le plus marquant ?"
Moi : "Quand vais-je être puni et pourquoi."
Les jours où je suis de mauvais poil, je ferais mieux de choisir une marche en forêt plutôt qu'une promenade en ville. Au moins, avec les sangliers, on se comprend.
© Éditions Orage-Lagune-Express 2015, droits réservés.
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04 septembre 2014
Carnet / Sous le halo de la lampe bleue
Ce soir, avant de dresser la table du petit déjeuner (je suis dans un tel état le matin au lever que je préfère tout préparer à l’avance) je suis sorti dans le noir derrière la maison et j’ai vu une superbe étoile filante. Exceptionnellement, j’ai fait un vœu très matérialiste, mais dans l’unique but d’avoir encore plus de moyens pour essayer de ne plus l’être du tout.
En début de semaine, j’ai surpris en pleine nuit quatre gros sangliers juste sous mes fenêtres. Leur passage a déclenché les projecteurs automatiques. Ils ont bifurqué du côté de la baie vitrée et ont commencé à fouiller le pré à quelques mètres de la porte d’entrée. Je suis sorti en tapant dans mes mains pour les chasser mais leur réaction m’a étonné. Au lieu de détaler en vitesse, ils ont longé tranquillement la haie. Le plus imposant d’entre eux m’a regardé placidement faire mes moulinets et a entraîné les autres à sa suite en direction de la route. Du coup, je me suis dépêché de refermer la baie coulissante. Au même moment, la chatte Linette, l’air penaud, est rentrée par son passage secret et est allée directement se coucher.
J’ai passé la journée à relire pour la énième fois un manuscrit commencé en 2006. Il est temps que je publie cet ouvrage car avec toutes ces relectures et ces corrections, je commence à le prendre en grippe.
Magie de Facebook : j’ai blagué avec mon ami le peintre Jacki Maréchal qui semble prendre du bon temps dans le Sud. Cela m’a mis de bonne humeur et j’en ai bien besoin depuis l’hiver dernier.
J’avais débuté la soirée en écoutant le cinquième concerto pour piano dit L’Égyptien de Saint-Saëns, certes un curieux mélange de lyrisme échevelé et d’orientalisme de pacotille mais en tous cas une œuvre virtuose dont je ne me lasse pas.
Comme toujours lorsque je suis seul à la maison, j’ai dîné d’un sandwich et d’un verre de rosé. Un gros havane n’étant pas très adapté à ce repas expédié, je me suis contenté de griller quelques Partagas Club en grignotant du chocolat noir. Toujours cette envie de sucre à laquelle je cède sans vergogne, le plus surprenant étant que je n’en reprends pas pour autant les kilos perdus en 2013. Pourvu que ça dure...
Soirée terminée tard sous le halo de ma lampe bleue en rêvant à la prochaine escapade à Lisbonne où je me fournirai en Por Larrañaga introuvables dans ma région. Des petits bonheurs pour adoucir les grandes tristesses, ce n’est déjà pas si mal. On peut rester un bon vivant même affecté de la plus sombre mélancolie. C’est plus courtois et agréable pour l’entourage.
01:27 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carnet, sanglier, chat, étoile filante, nuit, vœu, cigare, partagas, por larrañaga, lisbonne, portugal, saudade, mélancolie, tristesse, petits plaisirs, consolation, blog littéraire de christian cottet-emard, manuscrit, correction, relecture, peintre, artiste, jacki maréchal, note, journal, écriture de soi, autobiographie, lampe, lampe bleue, pâte de verre, tabac, sucre, chocolat, gourmandise, sandwich, vin rosé, facebook, sud, camille saint-saëns, concerto l'égyptien, cinquième concerto pour piano, poids, balance, alimentation, repas